Addiction et dépendance aux steroides en France

Addiction et dépendance aux stéroïdes en France picture

SI LA CONSOMMATION DE STÉROÏDES ANABOLISANTS À FORTE DOSE AMÉLIORE LA PERFORMANCE MUSCULAIRE, ELLE ENTRAÎNE AUSSI DE NOMBREUX EFFETS INDÉSIRABLES ET UN RISQUE D’ADDICTION.

Les stéroïdes androgènes anabolisants (SAA) sont des dérivés synthétiques de la testostérone, fréquemment utilisés pour améliorer les performances et augmenter la masse musculaire. Leur utilisation illicite est devenue un problème important de santé publique dans le monde occidental. En effet, l’usage des SAA est associé à des conséquences médicales, psychologiques et sociales délétères. Environ 30 % des usagers développent une dépendance, associée à une fréquence élevée de problèmes intra et interpersonnels. Il apparaît ainsi essentiel de déterminer les facteurs associés à l’apparition et au maintien de la dépendance.

Dans ce contexte, les chercheurs se sont plus spécifiquement intéressés à la capacité à reconnaître les émotions à partir de mouvements. La tâche de la gestualité émotionnelle a ainsi été réalisée chez des usagers dépendants aux SAA (N=45), chez des sujets usagers de SAA mais ne présentant pas de dépendance (N=38) et chez des sujets haltérophiles non usagers de SAA ( n = 69).

Les auteurs ont montré une diminution générale de la reconnaissance des émotions chez les sujets dépendants aux SAA par rapport aux haltérophiles non usagers, alors qu’aucune altération significative n’a été enregistrée chez les sujets usagers, mais non dépendants aux SAA. De plus, les sujets dépendants aux SAA ont montré une altération de la reconnaissance des stimuli liés à la peur par rapport aux usagers non dépendants et aux haltérophiles non usagers. L’effet entre les groupes est demeuré significatif après prise en compte du quotient intellectuel, de la consommation de substances (non liée aux SAA) au cours des six derniers mois, d’une éventuelle personnalité antisociale, de l’anxiété et de la dépression .

Ainsi, les sujets dépendants aux SAA présentent des troubles de la reconnaissance des émotions liées aux mouvements corporels, en particulier la peur, ce qui pourrait contribuer à augmenter la fréquence des problèmes interpersonnels et des comportements antisociaux dans cette population. La complexité des symptômes qui accompagnent la dépendance aux SAA est importante à considérer sur le plan clinique, où une approche interdisciplinaire est nécessaire afin d’offrir un traitement optimal. Cette étude permet de donner un aperçu des effets psychosociaux de l’usage à long terme et de la dépendance aux SAA, en particulier en ce qui concerne le traitement des émotions, sur lesquels les recherches futures pourront s’appuyer.

 

En France, la proportion de consommateurs de SAA dans la population générale n’est pas connue avec précision. Les médecins généralistes, selon une enquête récente, estiment que 1 à 10% de leur patientèle est concernée. Le rapport 2019 de l’Agence Française de Lutte contre le Dopage indique une présence de substances interdites dans 1,1% des échantillons collectés, le tiers de ces substances étant des SAA. Les deux sports les plus concernés étaient le bodybuilding (avec 24 % de cas positifs), suivi par le kick-boxing (12 %). Un travail mené en Italie en 2018 sur 120 adolescents fréquentant un gymnase a montré que 24% d’entre eux prenaient des SAA.
Dans un travail paru en 2020, des chercheurs hollandais ont analysé un groupe de 100 sujets abusant de stéroïdes. Tous, sauf un, étaient de sexe masculin avec un âge allant de 20 à 40 ans. La plupart pratiquait le body-building ou des arts martiaux en amateur. Une étude plus ancienne, réalisée en 2002 aux USA sur près de 5000 jeunes, collégiens ou lycéens montrait que la prise de stéroïdes concernait davantage les sujets ayant une faible estime de soi et un tempérament dépressif, pratiquant des sports où haute taille et poids procuraient des atouts, et consommant par ailleurs des substances psychoactives.

 

Les stéroïdes anabolisants augmentent la synthèse des protéines. Pris en dose supra-pharmacologique, la masse, la force, la vitesse de contraction des muscles s’améliorent nettement ainsi que la récupération après un effort intense. 
Les SAA diffusent de façon passive dans de nombreux tissus dont les muscles, les testicules et le cerveau. Ils se lient aux récepteurs intracellulaires des androgènes. Une fois activé, le récepteur migre vers le noyau où il se fixe sur des gènes cibles, ce qui déclenche la synthèse des protéines musculaires. De plus, les SAA diminuent la dégradation de ces mêmes protéines en bloquant les effets du cortisol sur le tissu musculaire, ce qui permet une récupération plus rapide.
Selon les données recueillies auprès des usagers, la prise de SAA s’effectue habituellement par cycles durant de 6 à 12 semaines, suivie d’une pause de même durée. Cette stratégie répondrait au besoin de laisser le corps se reposer après l’augmentation de la masse musculaire. Toutefois, comme cette dernière régresse rapidement après l’arrêt, la reprise de SAA intervient le plus souvent rapidement. La dose absorbée est variable, de l’ordre de 1000 mg par semaine dans une enquête récente, alors que la production naturelle de testostérone est d’environ 50 mg par semaine. 
Initialement la prise de SAA était restreinte au monde du culturisme mais il s’est vite étendu à l’ensemble des milieux sportifs dans le but d’amélioration des performances. Aujourd’hui les SAA sont aussi utilisés dans un but esthétique, les hommes étant maintenant aussi concernés que les femmes par le culte du corps parfait.

La prise de SAA à des doses supra-thérapeutiques présente des risques de très nombreux effets indésirables. On relève surtout le risque d’hypertension artérielle, d’augmentation du cholestérol, de maladies cardio-vasculaires ou coronariennes. Des modifications de la structure du muscle cardiaque ont également été décrites. Une enquête ayant suivi pendant 10 ans un groupe d’abuseurs de SA a montré que la mortalité était multipliée par 3 par rapport à un groupe contrôle.
L’acné est fréquente en raison de la stimulation des glandes sébacées. Le risque de rupture tendineuse est majoré, l’hypertrophie musculaire n’étant pas associée à un accroissement de la solidité des tendons. 
Chez les adolescents, les SAA peuvent arrêter la croissance osseuse, entraînant une réduction définitive de la taille adulte. 
Les SAA ont des effets anabolisants mais aussi des effets sexuels. 
L’effet le plus marquant est la réduction du volume des testicules, l’altération des spermatozoïdes et la diminution voire l’arrêt de la production de sperme. L’intensité et la durée de ces symptômes dépendent de plusieurs facteurs dont la durée d’utilisation, la quantité de substances et le type de SAA. En général ces effets sont réversibles spontanément dans un délai de 4 à 12 mois. 
Par ailleurs, la testostérone peut être transformée en oestradiol (un oestrogène) par une réaction enzymatique. L’augmentation de concentration d’oestradiol va favoriser le développement de la gynécomastie (= augmentation du volume des seins), l’hyperpilosité corporelle et la chute des cheveux. D’autres effets virilisants sont observés, comme l’augmentation de la taille du clitoris chez la femme ou du pénis chez les enfants mâles, le changement de tonalité vocale par épaississement des cordes vocales.
Diverses substances ont été synthétisées pour tenter de dissocier l’effet sexuel de l’effet anabolisant en ne conservant que ce dernier mais à ce jour cela n’a pas encore été possible d’obtenir des stéroïdes anabolisants dénués d’effet hormonal.

Les récepteurs aux androgènes sont largement présents dans de nombreuses régions du cerveau, dont l’amygdale, l’hippocampe, l’hypothalamus et le cortex cérébral. Les SAA traversent facilement la barrière hémato-méningée et pénètrent dans le cerveau.

Si aucun cas de dépendance aux SAA pris à dose médicale n’a été décrit, il n’en est pas de même chez les usagers de forte dose. Une enquête menée en 2009 au Pays-Bas, portant sur 500 sujets, âgés de 25 ans en moyenne, pratiquant le fitness ou le bodybuilding et tous usagers de SAA a montré que 24% d’entre eux présentaient des signes de dépendance : consommation plus élevée, pause d’une durée moindre et persistance de la consommation malgré des effets négatifs. Parmi les signes de dépendance, le mieux décrit est le syndrome de sevrage à l’arrêt du produit, caractérisé par une humeur dépressive, une fatigue, un craving pour les SAA, un manque d’appétit, des troubles du sommeil et une absence quasi-complète de libido.

Plusieurs travaux de recherche suggèrent que le pouvoir addictif des SAA proviendrait d’une augmentation de l’activité du système opioïde. Chez l’homme, il a été fréquemment rapporté que les utilisateurs de SAA sont particulièrement à risque de développer une dépendance aux opiacés. Chez l’animal, l’administration chronique de SAA augmente, via l’activation des récepteurs opioïdes de type µ, la concentration de β-endorphine dans plusieurs régions du cerveau et dans le système dopaminergique de l’aire tegmentale ventrale, zone particulièrement impliquée dans le système de récompense et l’addiction. Toujours chez l’animal, l’administration de naltrexone, un inhibiteur des récepteurs µ, bloque l’auto-administration de testostérone. L’action des SAA sur les opioïdes semble scientifiquement solide, toutefois le mécanisme exact reste à préciser.

L’abus des SAA a été associé à la survenue de dépression, d’anxiété, de paranoïa. Le lien popularisé entre SAA et potentiel agressif est ambigu. Autant la testostérone induit un comportement agressif chez l’animal et un accroissement de l’impulsivité chez l’homme, autant cet effet est mitigé avec les autres SAA. Il semble que ces troubles apparaissent plus pendant le sevrage que pendant la prise des SAA. 
En France la détention, sans raison médicale dûment justifiée, d’une ou des substances ou méthodes interdites fixées par arrêté du ministre chargé des sports est punie d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende. La liste des substances interdites est longue…

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